Bruxelles, le 30 octobre 2015
Publié dans la Libre Belgique de ce vendredi 30 octobre, page 52-53, débats opinion (merci à la Libre pour la caricature ajoutée et la publication intégrale de ma carte blanche)
Mouedden Mohsin Président de l’association les « Ambassadeurs de la Paix »
Le cas douloureux, voir tragique du prisonnier belgo-marocain Ali Aaraass, doit nous aider, démocrates, musulmans, Européens et humanistes à faire la lumière sur nos sociétés, ici et là-bas, (ici en Belgique et en Europe, là-bas, au Maroc et dans le reste du monde). Je ne reviendrais pas sur le dossier, chacun selon sa conscience et son honnêteté estimera qu’à la lecture des faits, ce dernier est innocent ou coupable, pour ma part, le prisonnier Ali Aaraass est innocent, victime d’un jugement politique ou d’un acharnement politico-judicaire d’un autre temps.
La tragédie d’Ali Aaraass révèle beaucoup sur l’état de nos sociétés. Notre démocratie, dit-on exemplaire se compromet et soutien un état pratiquant la torture, notamment sur un ressortissant Belge, mais qui a le malheur d’être d’origine marocaine. Me direz-vous, rien de nouveau, des démocraties torturent également via leurs états satellites arabes, les Etats-Unis torturent également à Guantanamo, et alors ? Est-ce une raison pour pratiquer un relativisme édifiant, accepter l’inacceptable et voir nos sociétés, peu à peu plonger dans un état policier sordide ?
La tragédie d’Ali Aaraass révèle également le silence complice de ces intellectuels, médias, politiques qui par amitié au Makhzen (et non au Maroc) préfèrent le silence, pire, la complaisance, sachons également remercier (là, ou ce ne serait qu’un devoir), ceux qui, dans les médias, politiques et intellectuels belges sont mobilisés.
La tragédie d’Ali Aaraass révèle aussi le double traitement, indigne et coupable de ceux, qui aujourd’hui, politiques mènent notre pays vers les abysses d’un communautarisme ignoble, faisant de la préférence identitaire (nationale), le socle d’une politique qui trouve ses racines dans le sordide 19ème siècle de tous ces idéologues et penseurs qui fabriqueront cette image de l’ennemi de la Nation, le Juif. Aujourd’hui, ce rôle est dévolu à l’arabe, le maghrébin, le musulman, si Ali était d’origine Belge, il est certain que notre gouvernement aurait agit d’une manière bien plus volontaire, ce racisme d’état, puisqu’il s’agit de cela démontre que les propos de la défunte Anne Marie Lizin de « Belges entre guillemets » sont d’une implacable réalité.
La tragédie d’Ali Aaraass nous dévoile également qu’être né en Belgique ou en Europe, avoir été éduqué à l’européenne, avoir même servi sous les drapeaux ne représente aux yeux de notre gouvernement aucun crédit, notre gouvernement doit également considéré que la justice espagnole n’a aucun crédit, pire, notre gouvernement et en l’occurrence Monsieur Didier Reynders, un ami non pas du Maroc, mais du Makhzen marocain, (à savoir ce gouvernement invisible qui fait la pluie et le beau temps de Tanger à Laayoune sous le contrôle du Roi du Maroc, faisant dire au Ministre de la justice marocaine, Monsieur Ramid qu’il ne sait rien faire… sic ( !)) ne bougera pas, même lorsque la justice de notre pays le condamne et le pousse pourtant à prendre ses responsabilités. Dans une réelle démocratie, Monsieur Reynders aurait proposé sa démission (ou été démissionné) pour « faute grave ».
La tragédie d’Ali Aaraass est désespérante à plus d’un titre, toutes les associations considérés comme crédibles (Amnesty International, la Ligue des Droits de l’Homme, l’ONU, …) lorsqu’il s’agi de pointer du doigt des régimes archaïques, non ami de l’Occident, deviennent subitement une gêne pour nos gouvernements, pire, certains sont même prêts à les boycotter, les censurer, cela pour juste ne pas froisser un régime archaïque, mais ici, grand ami de la politique atlantiste.
Enfin, j’aimerai dire un mot sur les sceptiques, ceux qui sont persuadés ou pensent qu’Ali Aaraass est probablement, peut-être coupable, ceux-là, qu’ils soient des fidèles du Makhzen (ou sincères) font dès lors fi de toutes les enquêtes crédibles, méprisent toutes ces associations des Droits de l’Homme, pour préférer une justice marocaine réputée pour ses méthodes expéditives ou la torture n’est qu’un symptôme grossier d’une justice malade au mieux ou sous emprise.
Je voudrais conclure ce texte en rappelant qu’il ne s’agit pas d’être contre le Maroc, vieille rengaine des fidèles du Makhzen qui pratique la même stratégie que ceux qui en Israël, estiment dès qu’on critique une politique suicidaire qu’on s’attaquerait aux juifs, etc… En soutenant Ali Aaraass, nous soutenons un Maroc fort, dynamique, courageux, celui qu’on aime de Tanger à Laayoune, qu’il ne s’agit pas non plus ici, de mépriser le gouvernement belge, mais de lui rappeler qu’il a des devoirs, notamment de protection envers ses citoyens et qu’il se doit de respecter les traités internationaux signés.
Si la politique ne se base pas uniquement sur les Droits de l’Homme, que dire, lorsque cette même politique (belge) fait totalement l’impasse sur cette dernière pour lui préférer le confort des riads et les chéquiers bien fournis tout en laissant un homme torturé et innocent, agonir. Je ne voudrais pas non plus faire des parallèles avec d’autres prisonniers, je pense à Nelson Mandela, à Bobby Sand ou au Mahatma Gandhi, voir plus proche de nous, José Bové, Mumia Jamal etc… Le dossier actuel est déjà très lourd contre l’administration marocaine que pour y ajouter des symboles forts, cependant et à partir du moment, ou nous estimons Ali innocent sur base de l’enquête espagnole (qui n’est pas l’allié des islamistes, loin de là), nous pouvons considérés quelque part, qu’Ali Aaraas à son niveau (il n’avait pas comme objectif de changer politiquement ou culturellement le Maroc) fait lui aussi, partie de cette lignée…
Faudra t’il attendre sa mort tragique, des années de tortures pour qu’enfin, bien plus tard, le gouvernement belge s’excuse, lui élève une stèle et qu’on reconnaisse son innocence ?
Je pense également qu’il faut chacun dans son petit confort se secouer l’esprit, se libérer de cette peur paralysante chez beaucoup de belgo-marocains qui ne voient dans le Maroc qu’un pays exotique pour des vacances dorés, il faut que nous aidions notre gouvernement et le Maroc, via Ali Aaraass, mais également d’autres cas, à tourner la page d’un pays englué dans le passéisme, nous devrions interpeller l’Ambassadeur du Maroc partout ou il se produit, lui qui aime tant la compagnie des Marocains de Belgique, mais qui refusait hier de recevoir ne fut-ce que pour 5 minutes, une mini délégation, démontrant là aussi, la gêne d’un homme qui doit probablement lui aussi considéré que son Makhzen dérape grandement… Nous devrions exercer une pression de chaque instant sur le gouvernement belge via des actions à la « Greenpeace ». Pour toutes ces raisons invoquées, nous ne pouvons rester silencieux, si ce n’est pour Ali (qui risque demain de nous quitter) ou sa sœur, qui entamait hier une grève de la faim, faisons-le au moins pour notre dignité et liberté !
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